dimanche 11 février 2018

SIDI MOHAMMED-BEN-OMAR-EL-HAOUARI

SIDI MOHAMMED-BEN-OMAR-EL-HAOUARI
Les auteurs arabes s'accordent à, dire que la veille d'Ouahran (Oran) a produit un grand nombre de personnages illustres par leur sainteté et leur savoir. Mais les deux plus grandes célébrités sous le rapport de la science et de la pieté sont,sans conteste, les aoulïa Sidi Mohamed-El-Haouari, et son disciple, Sidi ibrahim-Et-Tazi.
Nous nous occuperons tout d'abord du premier de ces saints, dont Ibn-Saad donne ainsi la généalogie il se nommait Mohammed-ben-Omar-ben-Otsman-ben-Menia-ben-Aïacha-ben-Akacha-ben-Siïed- En-Nas-ben-Amin-En-Nas-El-Mari-El-Màzaoui mais il était plus généralement connu sous le nom d'el haouari parce qu'il appartenait d'origine à la grande tribu berbère des Haouara.
Sidi Mohammed-El-Haouari naquit à Oran en l'an 751 de l'hégire (1349). En naissant, il avait obtenu de Dieu, et à un degré éminent, les dons et les vertus qui constituent el-oulaia, la sainteté. Dès son enfance.il accomplissait exactement ses prières aux heures canoniques, et, pendant toute sa vie, il n'en a jamais retardé qu'une, et encore ce fut sans le vouloir. A l'âge de dix ans, il savait le Koran par cœur, et méritait ainai le titre de hafodh. A peine adolescent, il possédait la sagesse et marchait dans son sentier; il était rigoureux observateur du jeune, noble, et largement généreux. Il aimait les hommes pieux; il leur prêtait .son appui et les entourait de son respect. Jamais il ne franchit les limites établies par la loi du Prophète.
Il se montra toujours continent et détaché des choses mondaines. Enfin, ses actions furent toujours aussi élevées que son savoir était éminent.
il n'était point encore sorti de l'adolescence, lorsqu'il se rendit à Kelmitou pour y visiter un saint marabouth des plus distingués parmi les amis de Dieu, et .obtenir en sa faveur son intercession auprès du Tout Puissant. Cet ouali vénéré appela sur lui les bénédictions divines, afin qu'il pût être compté au nombre de ceux qui marchent dans la voie droite.
Après s'être séparé du saint vieillard, Mohammed El-Haouari parcourut les contrées à l'est et a l'ouest d'Oran, puis il s'enfonça dans les déserts, au sein des solitudes. Il se nourrissait des plantes et des racines de la terre et des feuilles des arbres, et il vivait au milieu des animaux féroces ou nuisibles, lesquels ne lui faisaient aucun mal. Dieu, d'ailleurs, lui avait fait la grâce de ne craindre aucune créature, ni serpents; ni scorpions, ni être humain, ni génie. Même étant enfant, il ne redoutait, ni lion ni panthère, pas plus que les voyages pendant l'obscurité des nuits. Ainsi, pendant son séjour dans le Sahra, il lui arriva fréquemment, lorsqu’il allait demander l'hospitalité dans un douar ou dans un ksar, que les vipères cornues, dont la morsure est mortelle, on les scorpions, vinssent, "pendant' la nuit, chercher un refuge dans ses vêtements Le saint se bornait à les secouer doucement pour se débarrasser de ces hôtes, généralement regardes comme fort incommodes par les gens qui n'ont pas la foi. Quant à lui, il n'eut jamais à s'en plaindre. Un an après avoir atteint le terme de l'adolescence, Sidi El-Haouari se rendit à Bougie pour s'instruire et se fortifier dans la science il étudia sous les savants professeurs de cette ville, qui, à cette époque, était un centre lumineux; il suivit surtout les leçons des illustres chioukh Sidi Abd-er-Rahman-El-Ourlici et Sidi Ahmed-ben-Idris. Après avoir goûté de la science tout ce qu'il en put supporter, il partit pour Fas (Fez). C'était en l'année 776 de l'hégire (1374) il avait alors vingt-cinq ans. Ayant terminé les études qu'il avait commencées à Bougie, le jeune savant ouvrit, pour les tholba, un cours dans lequel il enseigna le fikh (jurisprudence) et la langue arabe. Il y avait foule à ses leçons, car, au dire de ses disciples, jamais on n'avait entendu une diction comparable à la sienne.
il quitta Fas pour accomplir son pèlerinage à Mekka et & EI-Medina; il visita ensuite El-Bit-El-Mokaddès (palestine), et put ainsi se- prosterner dans les trois mosquées les plus vénérées de l'Islam celles ou la prière obtient le comble de l’efficacité.
A son retour du pèlerinage, Sidi El-Haouari revint se fixer définitivement à Oran, où il ouvrit une medraça qui fut bientôt fréquentée par tous les savants de !a ville, lesquels ne se lassaient pas d'entendre ses substantielle leçons, il expliquait et élucidait avec une merveilleuse facilité les questions les plus ardues, les plus obscures et les plus épineuses. Il possédait aussi la rare faculté de lire au fond de la pensée des hommes comme si elle se fût matérialisée sur !e visage de ceux qui le consultaient. Très souvent, ses réponses aux propositions qu'on lui soumettait étaient complexes et embrassaient plusieurs éléments, de sorte .que chaque assistant y trouvait la solution de ce qui l'embarrassait, et cela avant même. qu'il l'eût demandée au. Saint et savant. Docteur.
II est avéré que les anges assistaient à ses leçons; sans doute ils n'étaient pas visibles pour tout le monde; mais quelques-uns des saints qui venaient goûter auprès de Sidi EI-Haouari le charme de la parole divine les aperçurent fréquemment; plusieurs d'entre eux l'affirmèrent à diverses reprises. Du reste, on s'en doutait bien un peu, car alors il laissait aller sa parole sans chercher à l'approprier et à la mesurer l'intelligence d'auditeurs ordinaires; c'était de ta haute éloquence aussi très peu d'élèves saisissaient-ils la portée de ces leçons qui, d'ailleurs n'étaient plus faites pour eux. Il faut dire que Sidi El Haouari ne cherchait nullement à nier la présence à ses leçons du Melkout c'est-à-dire du monde invisible des anges et des esprits. Il arrivait aussi que: quelques-uns des djenoun (génies)cherchassent à s'y faufiler; mais la crainte d'y rencontrer le regard des anges les empêchait d'assister à ces leçons aussi souvent. qu'ils l'eussent désiré.
Le saint marabouth racontait souvent qu'un jour un djenn, qui voulait l'embarrasser entra, chez lui sous la forme d'un chien tenant à sa gueule un papier .sur lequel étaient écrites quatre-vingts questions dont on lui demandait la solution. Cette aventure lui était arrivée dans la nuit de lundi au mardi 25 radjeb 785de l'hegire (1383). il va sans dire que Sidi El-Haouari ne tint Aucun compte d'une pareille invitation, et que le prétendu chien se voyant découvert, se retira au plus vite l'oreille et la queue basses.
Sidi El-Haouari consacrait beaucoup de temps à la prière; a préférait prier la nuit, car les bruits du jour ne permettent pas toujours de saisir la parole de Dieu ou de ses délègues quand ils vous font la grâce de s'entretenir avec vous. Il est vrai que c'est aussi pendant la nuit que les génies cherchent à vous tenter.
Ainsi, pour n'en cité qu'un fait, un génie entrait parfois de nuit chez le saint homme, a l'époque ou il tenait la médarça d'Oran, alors qu'il était en étude ou en prière; il éteignait la lumière, puis il se lançait et gambadait de tous côtés. La famille du marabouth, qui entendait parfaitement le tintamarre que faisait ce djenn, était frappée d'épouvanté.
Une nuit, le ouali entreprit d'attendre ce misérable génie qui osait le tracasser ainsi il réussit l'attraper par le pied. Le malin génie se mit à pousser des, -cris perçants, puis son pied s'amincit en se refroidissant dans la main du marabouth, et à ce point qu'il se réduisit à l'épaisseur d’un cheveu qui lui glissa entre les doigts. Tout porte à croire que, néanmoins, la leçon lui avait profité, car ce turbulent et agaçant génie ne reparut plus. Sidi El-Haouari inspirait aux Arabes autant de crainte que de respect. « Dieu, disaient-ils, exauce toujours ses prières » aussi son ressentiment était-il redouté à l'égal du courroux céleste. Le fait est que la patience et l'oubli des injures ne figuraient que médiocrement au nombre de ses vertus. Ainsi, un, jour il avait envoyé un de ses serviteurs vers un chef des Bni-Amer, nommé Otsman, pour l'engager à restituer une somme d'argent injustement ravie a l’un de ses compagnons. Mais, au lieu de faire la restitution qu'on lui réclamait, le chef des Bni-Amer accabla le messager de paroles outrageante et le fi jeter en prison. A la nouvelle du traitement que l’Amri avait fait subir à son serviteur, le saint fut pris d’un accès de colère tellement violent que son visage en devint tout noir. Il se retira à l'écart, et on l'entendit murmurer à plusieurs reprises le mot tefeddekh(تفردخ), lequel se dit d'une chose qui se fracasse en tombant.or il arriva que ce jour -là, Otsman était montée à cheval pour prendre part aux rejouissances d'une noce. Tout à coup, les invités aperçurent un personnage vêtu de blanc qui saisit le chikh des Beni-Ammer 'par un pied, le désarçonna et le brisa sur le sol. On accourut à lui, et on trouva mefeddekh (مفردخ)comme l'avait dit l'ouali, et la chute avait été si violente que sa tête avait presque entièrement disparu dans sa poitrine. La mère d'Otsman, en proie à la plus vive-douleur, et qui avait compris que le triste sort de son fils était le juste chatiment du traitement Inique qu'il avait fait subir au saint, lui fit rendre à l'instant sa libèrté afin d'apaiser le courroux dit terrible marabouth.
Dans une autre circonstance, Sidi El Haouari donna encore là mesure de son pouvoir surnaturel. Une femme avait son fils prisonnier en Andalousie; elle alla trouver le saint homme pour se plaindre de son infortune -et pour le prier, lui qui pouvait tout d'y apporter remède Sidi EI-Haouari ordonna a cette femme d'apprêter un plat de bouillon et de viande et de lé lui apporter. La femme, comme-on le pense bien, s'empressa d'obéir et revint bientôt avec le plat demande. Or, Sidi El-Haouari avait alors une slougaïa (levrette) qui nourrissait ses petits il lui fit manger le plat de viande que venait de préparer la mère du prisonnier, puis, s’adressant à sa levrette, il lui dit «Va maintenant en Andalousie et raméne moi le fils de cette femme ». La slougaïa qui avait compris, ne se le fit pas répéter une seconde fois; elle partit comme un trait, et Dieu permit qu'elle trouvât le moyen de traverser la mer sans la moindre difficulté . Arrivée sur la côte andalouse, la merveilleuse chienne rencontra précisément le captif qu'elle devait ramener. Ce jour-là, voyez un peu comme Ies choses s'arrangent bien quand le Dieu unique se donne la peine de s’en mêler - le jeune Arabe-, qui était en esclavage chez une Chrétienne, –nous ne le plaignons vraiment pas,– était venu au marché pour y acheter une paire de côtelettes de mouton, car cette Chrétienne avait du monde ce jour-là D'un bond, la levrette arrache cette viande des mains du Musulman, puis elle prend sa course comme savent la prendre les levrettes quand elles veulent s'en donner la peine, et file dans la direction du rivage. Craignant justement les reproches de sa maîtresse, le jeune Oranais se mit à la poursuite de ses côtelettes. La levrette franchit un canal l'Arabe le franchit après elle; enfin bête et homme arrivent sur le bord de la mer, tous deux la traversent par la toute-puissance de Dieu, comme s'il se fut agi d'un ouad africain pendant la canicule, et ils rentrent à Oran sains et saufs.
Bien que la légende laisse ce point intéressant dans l’ombre, nous aimons à croire que la levrette a été rémunérée de sa course par le don des côtelettes de la Chrétienne; bien que la bête à laquelle elles avaient appartenu n'eut pas été égorgée selon la formule; mais, pour les chiennes, la viande est toujours suffisamment orthodoxe.
Certes, Sidi El-Haouari ne manquait ni de vertus, ni de qualités; mais il faut reconnaître qu'il avait aussi de bien mauvais moments; en résumé, il valait beaucoup mieux être de ses amis que de ses ennemis. A plusieurs reprises, Il fit sentir le poids de sa colère aux imprudents qui l'avaient provoquée. La malheureuse ville d'Oran a pu apprendre à ses dépens ce qu'il en coûtait de s'éloigner du chemin de la vertu, et de donner toutes ses préférences au vice et à la corruption, Indigné de la conduite des Oranais, que le luxe et la richesse avaient corrompus au plus haut degré, et dont les moeurs, -jadis si pures-, étaient devenues fangeuses et sanieuses, il leur lança cette malédiction en plein visage
« Oran, ville de l'adultère, de la pédérastie et de tous les vices, voici une prédiction qui s'accomplira: « L'étranger viendra dans tes murs, et il y restera jusqu'au jour du revoir et de la rencontre ! »
S'il fallait en croire l'auteur du Hizeb el aarifin, qui ne craint pas de le dire en propres termes, le chikh El-Haouari avait vendu Oran aux infidèles, en appelant la vengeance de Dieu contre lès habitants de cette ville, lesquels lui avaient tué un de ses fils. Un ouali, nommé Sidi Ali-El-Asrar, aurait été le témoin auriculaire de la malédiction lancée, -c'était bien naturel - par ce père irrité. Il aurait demandé que la ville d'Oran devint pendant trois cents la proie des Chrétiens. Nous ne voudrions pas manquer de déférence à l'égard de l'illustre auteur du Hizeb el aarifin; cependant, nous nous permettrons de faire observer que Sidi El-Haouari, qui jouissait du don de prescience, n'avait pas besoin de faire à Dieu une pareille demande: car, puisqu'il lisait dans l'avenir, il savait bien que cela devait arriver. il s'est donc borné à prédire cet événement, qui, évidemment, a pu être amené à titre de chatiment par le mauvais état des mœurs des Oranais. Seulement, Sidi E!-Haouari, qui aurait pu garder cela pour lui, mais qui n'avait plus de ménagements à garder avec ces corrompus et ces méchants qui lui avaient tue un de ses enfants, n'avait pas hésiter dés lors, à leur faire cette terrible communication. Du reste, ils euren du répit, car sa prédiction ne s'accomplit que soixante dix ans plus tard c'est-à-dire que, selon la logique et l'équité de la Divinité musulmane, ce furent les entants et petits-enfants des coupables qui subirent le châtiment mérité par leurs ascendants. C'est toujours ainsi que cela se passe en Musulmanie, et ailleurs peut-être. Donc, l'accusation de haute trahison lancée par l'auteur du Hizeb contre Sidi El-Haouari n'est qu'une infame calomnie que cet écrivain n'a sans doute pas portée en paradis.
Nous sommes bien aise de purger la mémoire de ce saint vénéré d'une imputation qui avait fait son temps, et dont ses nombreux descendants sont loin d'être entièrement nettoyés ou disculpés. Nous avons dit plus haut que Sidi El-Haouari jouissait, comme tous les ouali. d'ailleurs, du don de prescience; aussi s'en est-il servi fréquemment dans ses medah, pièces de poésie religieuse, –car il était poète à ses heures, où il exhale sa sainte bile contre les impies et les méchants; sans doute il confend quelquefois la cause de Dieu avec la sienne, et il fait usage de ce précieux pouvoir dans son intérêt particulier; mais, après tout, le saint marabouth avait assez travaillé dans celui du Très-Haut pour .que celui-ci ne ae montrât pas trop rigide sur ce chapitre, et qu’il lui en laissât prendre quelque peu. il est incontestable que, pour prédire l'avenir, Sidi EI-Haouari n'était pas de la force de Sidi Ei-Akahl, des Oulad-Khelouf, qui vivait aussi à Oran vers l'an 1150 de l'hégire (1737): il est vrai de dire que ce saint Kheloufi tenait ses renseignements de première main, c'est-à-dire qu'il ne craignait pas de se déranger, en montant au-dessus des Sept Cieux, pour y prendre des notes sur el-louh el-mahfoud, -la Table conservée-, où sont inscrites les destinées des hommes et des nations.
Les prédictions de Sidi El-Akahl ont trait également au sort de la ville d'Oran, qui, à deux reprises différentes, en 1509 et en 1732, fut occupée par les Espagnols, lesquels la conservèrent, en deux fois, pendant deux cent cinquante-neuf ans.
Enfin, après une existence passée tout entière dans le sentier de Dieu, Sidi Mohammed -El-Haouari mourut à Oran, en l'an 843 de l'hégire (1439), à l'âge de quatre-vingt-douze ans. Il laissa, en mourant, un fils du nom d'Abd-er-Rahman-ben-Mohammed, lequel fut le père d'une descendance qui se multiplia comme les étoiles du ciel. Cette postérité fut, de tout temps, respectée des Oranais, lesquels redouteraient encore, enffonsant, d'encourir la colère du terrible et savant marabouth.
Un mesdjed, qae Sidi Et-Haouari attendit trois cent soixante ans, fut construit sur son tombeau en 1213 de l’hégire (1799-1800) par le Bey Otsman-ben-Mohammed, dit le borgne, fils et successeur de Mohammed-El-Akahl, surnommé Et-kébir. Le minaret de cette mosquée, décorée de trois étages d'arcatures trilobées, a été bâti sur la koubba du saint; c'est la seule portion cet établissement religieux qui ait été conservée pour le service du cuIte musulman.

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